Suite de notre exploration des métiers du web social à travers les phrases qui font sortir les professionnels de leurs gonds (ou de leurs gongs, comme le lisent les modérateurs). Après les développeurs et les modérateurs, c'est au tour des CM de vider leur sac !
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En 3 minutes et 46 secondes, ils ont placé Toulouse sur la carte du web social. Le 14 décembre 2013, Morgan et Robin Cuquel publient sur YouTube une "cover" du Happy de Pharell Williams, à peine 3 semaines après la sortie officielle du clip du chanteur américain. Parce que l'équipe d'Atchik Services a bougé sans retenue sur le titre mais aussi parce que nous voulions en savoir plus sur les recettes de fabrication de cette vidéo virale, nous sommes allés à leur rencontre.
Sur le web social, le temps est une notion clé. Si nos chers médias sociaux proposent aux internautes des usages parfois différents, ils connaissent au moins un dénominateur commun : la réactivité. Sur le web participatif, une bonne idée est avant tout une idée qui a un bon timing. Être le premier, répondre vite à un besoin ou à une critique, savoir diffuser une information au bon moment, c'est bien souvent le facteur temps qui fait une bonne ou une mauvaise stratégie digitale. Et si nous insistons sur ce point, c'est que la gestion du timing a été essentielle dans la réussite de la vidéo dont nous vous parlons aujourd'hui.
Revenons donc à nos Toulousains. Morgan et Robin sont deux frères, l'un DJ et l'autre barman. Passionnés de vidéo, ils ont créé le collectif MR&C. Entourés d'une bande de potes fidèles, essentiellement constituée au sein du bar La Couleur de la Culotte, ils ont imaginé, tourné et diffusé une "cover" (clip vidéo qui reprend une chanson déjà existante) du single de Pharell Williams. On précise pour les rares à être passés à côté : il s'agit d'un véritable tube planétaire, dont la sortie a bénéficié d'un formidable plan marketing, puisqu'il a été accompagné du premier clip vidéo de l'histoire à durer... 24 heures !
Morgan explique : "L'idée est née 48 heures après le lancement de la chanson de Pharell. On voulait avant tout faire parler du bar. On a donc commencé à travailler sur le choix des lieux, l'organisation du tournage... Au total, 52 personnes apparaissent dans le clip, dont une quinzaine de collègues du bar !"
La réussite de cette vidéo doit beaucoup au potentiel viral des communautés, dans le monde physique et virtuel. La "cover" réalisée par les deux frères est avant tout le bébé d'une famille très soudée, celle du bar La Couleur de la Culotte. "On a pu mesurer la force d'une vidéo virale. On a d'abord fait tourner la vidéo entre collègues et amis du bar, ce qui représente déjà un certain nombre de personnes. Puis, c'est toute la communauté des habitués de la Place Saint-Pierre qui a visionné et partagé le clip. Et enfin, on s'est rendu compte que les Toulousains étaient très fiers de pouvoir le diffuser sur Internet." raconte Laurent, qui a apporté son aide aux deux vidéastes sur la partie marketing et communication.
La qualité du contenu a créé le phénomène. Les médias l'ont ensuite amplifié. Lorsque le site MinuteBuzz reprend la vidéo, le nombre de visites explose soudainement. Le blog spiOn.com a également joué un rôle important dans la médiatisation du clip des jeunes Toulousains. Les médias traditionnels leurs emboîtent le pas, avec notamment une diffusion dans le 100% Mag de la chaîne M6.
Si c'est avant tout la qualité de la vidéo qui a rendu son succès possible, celui-ci a été bien aidé par le travail de Laurent sur les réseaux sociaux. En bon adepte de la communication digitale, il raconte : "Au début, c'est surtout un délire entre potes. Mais quand tu réalises que la vidéo est de qualité, tu as envie qu'elle soit vue au maximum. Alors, on a préparé le terrain avec un teasing sur notre page Facebook et sur Twitter. (...) Après la sortie de la vidéo, je me suis surtout concentré sur Twitter, parce qu'au bout d'un moment ça s'est propagé tout seul sur Facebook."
C'est donc un savant mélange de professionnalisme et d'envie de se faire plaisir qui a fait de ce clip une vidéo virale. On est assez loin de la vidéo promotionnelle qui jongle entre prétentions artistiques et placements de produits. Ici, ce qui fait la force et la viralité de l'objet, c'est avant tout son caractère spontané, à l'image du web social. Parce que, malgré les moyens mis en oeuvre pour les récupérer et les détourner, les grandes tendances du web ont toujours un temps d'avance sur les stratégies des marques.
Synonyme d'opportunité et de casse-tête réglementaire, la période pré-électorale représente un temps fort de l'activité des professionnels de la communication politique. Qu'ils soient engagés auprès d'un candidat ou au service d'une administration, les communicants mettent alors en oeuvre des actions souvent inspirées des méthodes du marketing. Et, pour "vendre un candidat", l'innovation n'est pas toujours de mise, comme le prouvent ces quelques perles, entre racolage et bricolage...
Le "maire canon" ce summum de la #compol ... #Lyon #UMP pic.twitter.com/5yVNrtCJkI
— guy birenbaum (@guybirenbaum) 5 Janvier 2014
Mettre du LOL dans la politique, tout un programme. Fort du constat difficilement contestable du fossé qui s'est creusé entre les politiques et leurs administrés, les communicants sont à l’affût. Chaque nouveauté technique, graphique ou langagière est susceptible d'être mobilisée pour combler ce fossé, ou du moins se démarquer dans un secteur concurrentiel, bien que non marchand. En témoigne le compte Tumblr de l'Elysée qui, à défaut d'adopter la fraîcheur de ton de son homologue américain, a été largement commenté par la presse à son lancement.
Les élections municipales de 2014 ne font pas exception et de nombreux candidats cherchent à se démarquer par leurs promesses de campagne... et leur univers esthétique. On peut reprocher au web de formater le discours politique, mais il faut reconnaître à ses acteurs une qualité exemplaire : la réactivité. Le Tumblr "MunicipLOL 2014" sélectionne pour nous les visuels les plus croustillants.
Ceux qui fréquentent ce blog le savent, chez Atchik Services, on n'a rien contre une franche rigolade. Rions donc, chers amis. Mais le sujet de l'humour en communication politique mérite d'être traité avec... sérieux. Si le sentiment de peur est volontiers alimenté à l'approche des élections, l'ironie et le second degré peuvent également se révéler d'une efficacité redoutable. Les "Jeunes pop'" de l'UMP en savent quelque chose, eux qui ont publié fin 2011 sur un site au nom de domaine très à propos une parodie de la lettre aux Français adressée par François Hollande en une de Libération.
Cette action des jeunes militants UMP, saluée ou critiquée, a été très commentée en janvier 2012, à une période clé dans la campagne des présidentielles. Preuve de son impact, elle a même reçu de nombreuses réponses sur le web, dont celle-ci, là encore pleine d'ironie :
Coucou l'UMP on te fait des GROS bisoux http://t.co/vEdzUR1o
— Klaire fait Grr (@Klaire) 3 Janvier 2012
Revenons au cœur de notre questionnement : l'humour fait-il voter ? Pour Arnaud Mercier, professeur en sciences de l'information et de la communication à l'Université de Lorraine, "dans la société française où la figure politique républicaine du dirigeant reste imprégnée d’une mythologie monarchique, l’humour et l’autodérision ne sont pas bien vus de tous." Maniés avec parcimonie, ils permettent néanmoins aux politiques de marquer des points précieux dans la conquête de l'opinion. Et, comme le montre ce visuel de campagne de 1995, l'ironie n'a pas attendu Twitter pour s'inviter dans le débat politique français.
Pour aller plus loin sur le sujet, on vous recommande cet excellent travail universitaire publié en 2009. Et pour ceux qui trouvent qu'on a traité le sujet avec un sérieux trop appuyé... voici de quoi vous faire quitter ce billet avec le sourire :