A peine les mesures sanitaires levées pour l'été, le variant Delta, qui progresse dans toute l'Europe, menace déjà la saison... Il n'en fallait pas plus pour relancer les complotistes en tous genres, énième version dans l'Histoire du "je ne sais rien mais je dirai tout". Alors que #NousSachons a aidé beaucoup d'entre nous à traverser cette période de pandémie avec un peu de légèreté, #NousSavons est considérablement venu gâcher la fête ces derniers temps... Et ce n'est pas fini. Explications.
C'est historique : le 7 juillet, le dièse #NousSavons a pour la première fois dépassé #NousSachons. C'est peut-être un détail pour vous mais pour de nombreux observateurs, amateurs d'humour, debunkers et factckeckers en tous genres, cela veut dire beaucoup :
Avec un pic à 100 000 tweets sur la seule journée du 5 juillet contre quelques centaines tout au plus auparavant, le hashtag #NousSavons a atteint un niveau historique... Et imprévu. L'origine de ce mouvement ? Il semblerait que tout parte d'un tweet de JBAragon, 12K abonnés, farouchement anti-vaccination, dans lequel l'auteur s'attaque un peu à tout en même temps :
#NousSavons que vous mentez 24h/24, 7jours/7 depuis le début du Covid19 sur les gros médias et les réseaux sociaux pour flinguer nos libertés et notre santé, notre économie et nos emplois, et plus grave encore l'avenir de nos enfants. Stop à vos délires totalitaires !
— JBAragon (@aragon_jb) July 4, 2021
Depuis lors, les usages de #NousSavons ont trouvé une nouvelle place dans le paysage d'expression de Twitter. D'accord, nous direz-vous... Mais alors, pourquoi est-ce à la fois ironique et significatif ?
Quelques jours avant l'allocation d'Emmanuel Macron rendant la vaccination obligatoire pour les soignants et annonçant un futur pass sanitaire, c'est peu de dire que ce type de mouvements contribue à savonner la planche de l'effort vaccinal. Si les rumeurs, fake news et autres complots agitent la toile - et le monde entier tous les jours, avec ou sans internet - depuis le début de la crise sanitaire, l'effort de rationalisation et de remise au centre du discours scientifique a jusqu'ici fait l'objet d'un relais citoyen efficace.
L'un des symboles de ces garde-fous, porté par le compte Complots faciles pour briller en société, reste l'usage du mot-dièse #NousSachons dans un tweet ironique, faussement complotiste. D'ailleurs, le compte Twitter de Debunker des Etoiles, fervent défenseur de l'esprit scientifique et chasseur de fake news sur Youtube, a rapidement lié les deux hashtags, comme les deux visages d'un même Janus. Propos délirants d'un côté, propos délirants pour dénoncer leur absurdité de l'autre :
Le hashtag complotiste #NousSavons est en top des tendances Twitter.
Ils savent.
Bon, ils ne savent pas trop quoi exactement, ni comment, ni pourquoi, mais… ils savent. 🧐#NousSachons pic.twitter.com/NCLvybko6C— Debunker des Etoiles (@DeBunKerEtoiles) July 4, 2021
On l'a bien compris, #NousSachons se veut une parodie des gens qui "sachent", ou plutôt qui croient (croivent ?) savoir. Ce qui n'était pas prévu, c'est qu'un mot d'ordre totalement premier degré vienne effacer cette subtilité originelle, sans aucun recul, devenant ainsi la parodie de sa parodie...
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La bascule, elle, s'opère à partir du moment où #NousSavons devient plus gros que #NousSachons, dès le 4 juillet. Auparavant, le rapport de force se maintenait sans comparaison :
... Après le pic des 4-5 juillet, reproduit plus haut, nous constatons une nette inversion.
Depuis lors, les messages à caractère complotiste ont vécu une certaine libération de la parole. Le dièse #NousSavons agit comme un ralliement, permettant la diffusion de plusieurs autres mots d'ordre plus contextuels comme, ce jeudi 15 juillet, "#passedelahonte" (sic) :
En clair, alors même qu'entrent en collision, au cœur de l'été, le pass sanitaire, la vaccination obligatoire pour le personnel soignant et d'autres éventuelles catégories mais aussi l'inexpugnable montée en puissance du variant delta et la perspective d'une troisième dose de vaccin Pfizer, il apparaît clair que la période s'avère propice à de nouvelles incertitudes... Et à de nombreux fantasmes quant au but de la campagne vaccinale. Aux portes de la campagne électorale pour la prochaine élection présidentielle, le sujet reste à surveiller de près : un travail de fond qui concerne en premier lieu les chargés de veille, les analystes... Mais aussi les modérateurs.