Ce nouveau réseau social, qui reprend l'origine du mot "viral" pour laisser les contenus se répandre, a connu une propagation fulgurante en moins de deux mois, facilitée par l'effet de mode. Fièvre passagère ou les symptômes vont-ils persister après l'hiver ?
Si les termes "technophile" et "twittosphère" ne vous effraient pas lorsqu'ils se retrouvent dans une même phrase, il y a de fortes chances que vous ayez entendu parler de Plague en 2015. Et cela n'aura échappé à personne, le mot dont les historiens se souviendront pour ce mois de janvier sera certainement "Charlie". Voyons maintenant l'effet combiné des deux : si le dièse #JeSuisCharlie a battu des records sur Twitter, c'est tout le net qui, en parfait relais de la société civile, s'est emparé de l'indignation, puis du débat. Cela s'est aussi senti sur le réseau naissant Plague, qui a propagé de nombreux contenus relatifs à Charlie Hebdo. Certains étaient natifs, c'est-à-dire propres à la plateforme :
... D'autres provenaient de réseaux tiers, Facebook, Twitter et Instagram en tête :
Et Plague ("Peste" en anglais), à cette occasion, a vu son contenu exploser d'un coup, le rendant de fait beaucoup plus attrayant pour les primo-utilisateurs, alors enclins à lui faire une bonne publicité auprès d'éventuels nouveaux contacts prêts à télécharger l'appli à leur tour. En terme de ressenti d'expérience d'utilisation, on peut facilement supposer un triplement du contenu partagé dans les trois jours qui ont suivi l'attentat à la rédaction de Charlie Hebdo.
Plague, pour résumer, c'est un réseau social mobile (disponible uniquement en appli) façon Tinder qui retourne aux sources de la viralité : on fait glisser le contenu vers le haut pour le propager, vers le bas pour passer à autre chose sans le diffuser. De cette manière, chacun devient curateur de contenu en douceur et les meilleurs contenus, du moins les plus appréciés, font ainsi leur bonhomme de chemin... Car oui, la diffusion est avant tout géographique, à la manière d'un vrai virus : sur Plague, vous partagez avant tout aux utilisateurs les plus proches de vous. Logiquement, si vous habitez Strasbourg et que vous recevez du contenu de Sydney, c'est que celui-ci a séduit un nombre conséquent de gens avant de parvenir jusqu'à vous.
Ca le fait grave, docteur ?
Tentons d'établir un diagnostic. Génial ? Dans le concept, oui, pour la prise de la notion de viralité au pied de la lettre. Révolutionnaire ? Après la révélation Tinder, pas tant que ça finalement même si le champ d'action n'est pas le même. Durable ? Ca, c'est la vraie question. Passé l'engouement des premières utilisations, Plague a-t-il une chance de s'imposer ? Si l'effet de mode a levé un vent favorable de sympathie auprès des technophiles de tous poils, il semblerait que bon nombre de ceux-ci soient retournés tranquillement à leur recherche du dernier gadget duquel parler avant tout le monde. Les occurrences Twitter, en effet, sont un peu retombées. Il faudrait donc se tourner du côté des utilisateurs lambda pour voir si la masse critique d'usagers a été ou va être atteinte.
Là, difficile de faire confiance aux quelques chiffres connus : 4 500 votes sur Google Play, même avec une note moyenne de 4,4 sur 5, c'est assez peu comparés aux 830 000 appréciations d'une appli comme Vine, par exemple. Pourtant, depuis Toulouse ou Paris, l'appli dispose déjà de suffisamment de contenu pour ne pas tourner dans le vide. En terme d'usage pur, on peut tout à fait se prêter d'ores et déjà au jeu même si la chance de tomber sur un élément diffusé par une connaissance reste forte.
Côté plaisir d'utilisation, le "tableau d'infection" qui permet de voir la portée de chaque contenu diffusé a un côté ludique vraiment jouissif, d'autant plus que tout se propage naturellement, sans influence d'abonnés ou d'amis. Un peu gadget, certes, mais tout de même rafraîchissant et certainement promis, si le réseau décolle, à de belles utilisations communication / marketing. Un peu comme Chatroulette mais avec une vraie promotion du contenu digne d'intérêt, en somme.
Après le phénomène Charlie constaté par tous sur le service, y compris MacWorld, on pouvait craindre un essoufflement du contenu. Bonne surprise, ce n'est pas le cas ! Bon, la neige a rapidement envahi l'Europe et tous les réseaux sociaux, ce qui a fourni comme à chaque fournée de flocons un joli lot de photos :
Vous avez remarqué ? Les contenus sont encore majoritairement en anglais... C'est, pour l'instant, la tendance du service et ce pour deux raisons au moins. D'une part, c'est le lot de tout nouveau réseau ; d'autre part, partant du principe que chacun va poster en espérant contaminer le monde entier, le biais de l'anglais paraît plus adapté. Toutefois, des réseaux pour promouvoir le français, l'italien ou le catalan sont déjà à l’œuvre sur Plague. Finalement, c'est peut-être là le signe le plus tangible d'une utilisation appelée à se généraliser. Lorsque des groupes émergent de la majorité pour faire leurs un réseau social, sa masse critique a probablement déjà été atteinte. Reste à explorer les usages de l'appli avant que tout le monde ne s'y mette ! Car oui, il semblerait que Plague ait suffisamment muté pour s'offrir une belle épidémie de printemps.