Nous vous en avions déjà parlé : l'expression "Pauvre France" n'est pas une simple plainte, c'est un baromètre. Et plutôt fiable ! Si l'on en juge par les chiffres de l'année passée, chaque pic correspond à une semaine d'actualité particulièrement difficile à aborder pour notre plateau de modération. Durant un an, nous avons compilé pour vous le nombre de "pauvre France". Le résultat ? Une courbe éclairante sur les relations entre les commentaires et leurs articles, donnant une idée précise de l'humeur des internautes.
La ludification, concept qui consiste à considérer que l'abord d'une tâche ou d'un thème donnés est rendu plus facile par le jeu, tient toutes ses promesses sur notre plateau. Et lorsque nous n'organisons pas un bingo de la modération pour rester concentrés sur nos lectures de commentaires en ligne, il nous arrive de jouer à celui qui trouvera le plus de "pauvre France" dans les réactions à modérer. Si si, il y a de quoi faire... A tel point que nous avons recensé, compilé et mis en graphique, sur plus d'une année, les occurrences sur trois médias emblématiques pour lesquels nous assurons une prestation. Léonarda, quenelle, Gouvernement Valls : revivez un an d'actualité en suivant la courbe des "pauvre France" !
Le résultat est sans appel : chaque pic de "pauvre France" correspond à une semaine d'actualité nationale sensible. Que s'est-il passé entre le 14 et le 21 octobre 2013 ? Souvenez-vous de l'affaire Léonarda. 481 "pauvre France" entre le 11 et le 18 novembre 2013 ? Il faut dire que c'est à ce moment-là que Christiane Taubira s'est fait traiter de "guenon"... Début janvier 2014 ? N'importe quel modérateur vous rappellera, avec un début de chair de poule, un contexte particulièrement difficile : la multiplication des quenelles en ligne, l'agitation autour des spectacles de Dieudonné et les révélations de Closer au sujet de François Hollande et Julie Gayet.
Le pic du mois de février, lui, renvoie à un faits divers particulièrement commenté - le fameux lancer de chat - et à une visite à François Hollande à Trappes avec Jamel Debbouze. Plus tard, début avril, un nouveau pic à 492 "pauvre France" nous rappelle les Municipales et la nomination de Manuel Valls à Matignon.
En toute logique, Le deuxième Gouvernement Valls devrait lui aussi apparaître dans le graphique... Gagné : les statistiques de la semaine du 25 août au 1er septembre montent en flèche, passant de 285 timides occurrences de l'expression à 512 ! Les chiffres, messieurs dames, les chiffres...
Au final, cela traduit bien, d'une part, la fonction naturelle d'évacuation des frustrations que revêt souvent l'écriture de commentaires dans les sites de presse mais aussi, assez clairement, un certain mimétisme dans l'expression de cette frustration, dans les mots comme dans le style des internautes. Sans pour autant constituer une communauté homogène de "frustrés", les lecteurs les plus amers en viennent souvent à exprimer leur amertume de manière identique.
Enfin, certaines autres dates prêtent un peu plus à sourire. Que s'est-il passé par exemple entre le 21 et le 28 juillet pour que l'on atteigne 471 commentaires, soit un de plus que lors des insultes à Christiane Taubira ? C'était l'été, et vous avez peut-être déjà oublié cette folle semaine qui a poussé les internautes à railler la SNCF et RFF suite aux trains trop larges pour les voies... Et aux tunnels trop bas. Un grand moment d'échec national - ou en tout cas vécu comme tel - et accueilli comme il se doit dans les commentaires en ligne par les deux mots-témoins qui, à l'instar des dièses #facepalm ou #fail, nous signalent assez vite les situations d'autocritique que s'infligent les internautes français. Notons, également, les nombreux "ah, elle est belle la France" ou "elle est pas belle, la france ?" dans le même esprit... Mais, ça, vous le saviez déjà si vous avez jeté un coup d'oeil à notre bingo 😉